mercredi 5 octobre 2011

Rendez-vous en 1947

La création de l'État d'Israël
 
     1947-1949 est un moment charnière de l'histoire d'Israël. Après avoir survécu à deux millénaires d'exil et d'errance à travers les nations, subissant souvent les pires persécutions, l'État d'Israël est devenu, en l'espace de quelques mois, une réalité vivante et dynamique. Un peuple soutenu par le souvenir de ses gloires anciennes : celles des royaumes de Judée et d'Israël, et celles, toujours bien présente, de la Bible. Or, l'épopée biblique reprend vie par les épreuves mortelles de la Shoah, et par la reconquête de la Terre Sainte. Pourtant, six générations n'ont pas été suffisantes pour que ce pays, né d'une résolution de l'assemblée générale de l'Organisation des Nations Unis le 29 novembre 1947, ne s'intègre pleinement dans le tumultueux Proche-Orient. Les Palestiniens s'estimant spoliés par le retour d'Israël refusent de partager leur territoire, et leurs chefs entreprennent une guerre contre « l'occupant sioniste ». Un sionisme dont l'erreur principale a sans nul doute été de minimiser les réalités du monde arabo-musulman et la profondeur de sa résistance à la renaissance d'Israël.
     Depuis son apparition en tant que religion distincte, l'Islam enseigne que le judaïsme est une religion déchue, et le Christianisme adopte la même position pendant des siècles, ne voyant dans les Juifs que les assassins du Christ. Ce lourd passé de préjugés et de ressentiments doit être purgés. Les millions de morts de la Shoah en Europe, et les milliers de victimes des guerres arabo-israéliennes ont inondé de sang la naissance et la reconnaissance de l'État d'Israël. Car ce n'est que sous l'impulsion du pape Jean XXIII que le concile de Vatican II ouvre la voie à la négociation qui aboutie à l'acte fondamentale de reconnaissance mutuelle signé à Jérusalem et à Rome le 30 décembre 1993. Le monde musulman quand à lui ressent la création d'Israël comme une véritable commotion et la seule réaction des dictateurs arabes fut de faire la guerre sans mesurer l'équilibre des forces en présence. Il a fallut un demi-siècle au monde arabe pour accepter Israël, et aujourd'hui, seule la persistance d'un fanatisme minoritaire entrave encore la marche de la paix dans la région.
     Dans ce nouveau rendez-vous, nous allons donc étudier la naissance de l'État d'Israël, de l'apparition du sionisme au mandat britannique, de la proclamation de la création d'Israël au conflit arabo-israélien.
 
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     La naissance du sionisme politique est la première étape pour la formation de l'État d'Israël. Pendant les siècles de son exil, le peuple israélien garde en lui l'espoir d'une restauration de Sion, nom de la colline sur laquelle est bâtie Jérusalem. La Terre Sainte symbolise les espérances du peuple de l'exil dont la prière centrale était pour la reconstruction de Jérusalem. La recrudescence de l'antisémitisme en Allemagne à partir des années 1880 et les mesures discriminatoires dans l'Empire des Tsars mènent ce que l'on appel l'espérance messianique à s'affirmer sur le plan politique. Lilienblum est le premier en 1882 à lancer un appel au retour à l'ancienne patrie. Un élan qui s'accompagne d'un effort de pensée alimenté par des penseurs chrétiens et juifs, et en 1884 a lieue à Katovice la première conférence sioniste qui débouche sur la création de 17 colonies agricoles en Palestine.
     En plein dans l'Affaire Dreyfus, le journaliste viennois Théodore Herzl (1860-1904) rédige à Paris son État Juifs en 1895 dans lequel il prévoit l'organisation d'une Société des Juifs et d'une Compagnie juive qui établiraient toutes les diasporas juives dans la nouvelle communauté de la Terre Sainte. Herzl préside également à Bâle le premier Congrès sioniste en 1897 qui adopte un programme résumé en ces mots : « le Sionisme a pour but de créer pour le peuple juif en Palestine un asile garanti par le droit public ». Mouvement politique atteint par l'action et la négociation, le sionisme compte pas moins de 100 000 adhérents au début du XXe siècle. Néanmoins, les résultats ne sont pas satisfaisants, même si les juifs obtiennent des colonies dans l'Empire Ottoman et dans le Sinaï. À la mort d'Herzl en 1904, le sionisme est devenu une réalité vivante et un peuple commence à renaître à travers un enthousiasme notamment culturel et artistique important.
     Le premier objectif du sionisme d'obtenir d'une charte la libre colonisation de la Palestine se heurte à l'opposition de la Porte. Pourtant, l'effondrement de l'Empire Ottoman et l'occupation de la Terre Sainte par les Britanniques vont permettre à la Grande-Bretagne de définir sa politique palestinienne dans un sens favorable aux ambitions sionistes. Ainsi, le 2 novembre 1917, le secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Arthur J. Balfour déclare : « le gouvernement de sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif et fera tous ses efforts pour faciliter cet objectif, étant bien entendu que rien ne viendra porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non juives en Palestine, ou aux droits et à la situation politique dont les juifs jouissent dans tous les autres pays ».
     L'armée britannique met ainsi fin, en Palestine, à l'occupation turque qui durait depuis 1517, et réorganise l'administration de la Terre Sainte. L'histoire du mandat britannique est celle de l'affrontement entre les intérêts contradictoires des Anglais, des Arabes, et des Juifs. L'Agence juive représente dès 1929 le peuple juif auprès de la Puissance mandataire et des troubles sanglants éclatent dans les années 20 et 30. Alors que le Foyer national juif en Palestine se renforce, et tandis qu'Hitler déchaîne ses fureurs et ses menaces, l'Angleterre donne une interprétation de plus en plus restrictive à la Déclaration de Balfour. C'est un rapport de la Commission Peel en 1937 qui conclue pour la première fois de la nécessité d'un partage de la Palestine en un État Arabe et en un État juif. L'échec des négociations aboutit à la publication du Livre blanc en 1939 qui opère un véritable retournement dans la politique britannique en Palestine. Dès 1940, la Puissance mandataire étrangle l'immigration juive et empêche ses derniers d'obtenir des terres.

(Carte du Proche-Orient à la chute de l'Empire Ottoman)

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      Alors que les juifs se voient refouler de Palestine par la Grande-Bretagne, la seconde guerre mondiale déchaîne contre eux la plus cruelle persécution de toute leur histoire. En 1942, Hitler décide ainsi l'extermination systématique de tous les juifs qui sont en Europe au nombre de 9 500 000 en 1939, et 2 750 000 en 1945. 73,4% des juifs vivant dans les pays occupés par les nazis sont tués, soit environ 6 093 000 personnes. Ces événements opèrent le ralliement au mouvement sioniste de l'unanimité des survivants alors que la guerre marque une période d'apaisement en Palestine même si les frontières restent résolument fermées aux émigrants juifs d'Europe. La conférence sioniste de 1942 condamne avec violence la politique de Londres et réclame le droit à l'immigration illimités et la création en Palestine d'un Commonwealth juif. La résistance juive contre la puissance mandataire s'organise en Palestine autour de la Haganah, armée de protection formée de 60 000 combattants qui s'engagent dès 1943 dans une guerre de harcèlement contre l'administration anglaise. Toutes les solutions proposées au problème palestinien avortent, à peine conçues, et le « terrorisme » se développe à tel point que l'état de siège est décrété en février 1947.
     Winston Churchill constate la faillite complète de l'administration britannique en Palestine et son action active le recours aux Nations Unis décidé par la Grande-Bretagne le 2 avril 1947 : le gouvernement travailliste (traditionnellement soutient des sionistes) ne désespère pas d'obtenir un accord de tutelle sur la Palestine et annonce ainsi sa volonté de remettre son mandat à l'ONU. Une Commission spéciale des Nations Unis pour la Palestine commence ses travaux le 26 mai et dépose son rapport le 31 août. La thèse sioniste fonde alors ses droits sur les liens historiques d'Israël avec la Terre Sainte, droits confirmés pas la Déclaration de Balfour. Les juifs mettent en valeur un pays désertique qu'ils ont colonisé au bénéfice commun des Juifs et des Arabes dont le niveau de vie s'est nettement amélioré. Faits qui ont donné une réalité sociale à l'État juif qui s'engage à garantir à la population arabe la pleine jouissance de ses droits à égalités avec les Juifs. La thèse arabe quand à elle oppose aux juifs les droits imprescriptibles de l'Islam sur une terre conquise depuis l'année 637, les musulmans constituant les deux tiers de la population.
     La Commission écarte au final toute solution extrême et présente onze recommandations accompagnées de deux plans visant l'un à la création de deux États indépendants avec une union économique, l'autre à la création d'un État fédéral. Les États-Unis et l'URSS optent toutes deux, lors de la deuxième assemblée générale des Nations Unis le 23 septembre, pour la première option. Motion acceptée le 29 novembre 1947 en faveur de la création de deux États placés sous contrôle des Nations Unis.

 
    La Commission pour la Palestine issue du vote du 29 novembre 1947, a vite fait de constater son impuissance. Les Arabes refusent de reconnaître son existence et les Anglais s'opposent à toute collaboration avec elle. La puissance mandataire fait ainsi savoir qu'elle abandonne la Palestine le 15 mai 1948 sans prévoir ni transition pour l'avenir du pays, ni approvisionnement au-delà de cette date. Cette passivité de l'Angleterre s'accompagne de l'action passionnée de la Ligue des États Arabes, et les États-Unis, devant la situation, se retirent du projet de partage le 18 mars au profit d'une tutelle provisoire de la Palestine. Pourtant, la volonté des juifs restent inébranlable et dès janvier 1948, le Conseil national des Juifs de Palestine proclame sa volonté de prévoir immédiatement l'établissement d'un État juif organisé conformément à la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unis. Huit heures avant la cessation du mandat britannique, David Ben Gourion, président du Comité exécutif de l'Agence juive, déclare à Tel-Aviv la formation en Palestine d'un État juif dénommé Israël qui dès sa naissance, se réclame de l'esprit des prophètes et offre la paix et son amitié à tous les peuples de la terre. Les États-Unis et l'URSS suivis par plusieurs autres nations reconnaissent immédiatement le nouvel État, contre lequel les États arabes déclenchent une guerre qui couvait déjà depuis le 29 novembre 1947. Guerre qui, aujourd'hui encore, n'a pas pris fin.
 
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     Lorsque les premiers sionistes arrivent en Palestine dans la deuxième moitié du XIXe siècle, il se heurtent non pas à une population autochtone, mais à la police turque qui voient en eux une menace pour l'ordre dans un Empire Ottoman décadent. Le mandat britannique et la fondation du Foyer juif politise ensuite le conflit : l'administration anglaise peut alors difficilement éviter, pour mieux asseoir sa domination, de jouer sur les deux tableaux ce qui la fait se retirer en 1948, laissant le pays dans un état chaotique. Les États Arabes voisins d'Israël héritent de la querelle et nous pouvons aujourd'hui affirmer que l'État juif fut sauvé grâce à ses soldats, mais aussi par la conjoncture politique de l'époque et le soutient de la Russie communiste. Bien sûr, le conflit aujourd'hui toujours non réglé, s'étale dans la seconde moitié du XXe siècle avec notamment la campagne du Sinaï en 1956, la guerre des Six-Jours en 1967, la guerre du Kippour en 1973 ou encore la guerre du Liban en 1982. Nous allons ici néanmoins nous intéresser uniquement à la guerre d'Indépendance immédiate après la création d'Israël qui doit à sa naissance subir l'épreuve du feu et du sang.
    La Ligue arabe, fondée au Caire le 23 mars 1945, prêche et prépare ainsi la « guerre sainte » d'un bout à l'autre du monde arabe. Des actes d'agression directs ont lieuxalors même que les britanniques sont encore en Palestine, et du 30 novembre 1947 au 1er février 1948, on dénombre pas moins de 2 778 tués ou blessés. Dès la fin de janvier 1948, « l'armée de libération arabe » s'infiltre en Palestine avec l'accord de la puissance mandataire dans le but de liquider toute présence juive. Devant cet assaut, la résistance juive s'organise autour de la Haganah, armée populaire qui reçoit le secours en armes et en munition de le Tchécoslovaquie. La violence dans certaines régions achève de rependre la terreur parmi les Arabes palestiniens qui s'enfuient en masse ( 600 000 ). La création de deux États distinctes soulève l'opposition des États arabes qui rejètent en bloc la nouvelle situation géopolitique du Proche-Orient. C'est ainsi que l'Égypte et la Jordanie occupent jusqu'en 1967 la plus grande partie des territoires destinés à l'État palestinien sans rien faire pour lui donner naissance, et niant systématiquement le droit à l'existence de l'État d'Israël.
     Ce conflit donne lieu à d'interminable débats à l'ONU qui a vu pour la première fois la création d'un État décidée par la majorité des nations de la terre. Une cession de l'Assemblée générale décide le 16 mai 1948 l'envoi d'un médiateur pour la Palestine, le comte Folke Bernadotte. Et devant la gravité de la situation militaire, le Conseil ordonne une trêve le 17 avril qui donne un répit que les belligérants emploient à compléter leur armement. Le 9 juillet, les combats reprennent et le 17 septembre, le médiateur est assassiné à Jérusalem. Le 7 janvier 1949, le cesser le feu est respecté et une série d'accords dans le monde arabe consacre finalement l'existence de l'État d'Israël et lui fixent des frontières qui tiennent durant une vingtaine d'années. Le 11 mai 1949, l'Assemblée générale des Nations Unis accueillent comme État membre Israël. Jérusalem reste partagée en deux et l'armistice n'est cependant pas la paix. Ainsi, le boycott de l'État juif par l'Égypte de 1950 à 1956 et la création d'un commandement unifié des forces égyptiennes, syriennes et jordaniennes lancent la campagne du Sinaï conquis par les israéliens en six jours.

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