La révolution américaine
« Nous tenons ces vérités pour évidentes : tous les hommes naissent égaux, leur créateur les a dotés de certains droits inaliénables, parmi lesquels figurent la vie, la liberté et la quête du bonheur », Déclaration d'Indépendance américaine, 4 juillet 1776.
Le 4 juillet 1776, les treize colonies britanniques d'Amérique proclament leur indépendance. Après sept années de combats aux côtés de la France, la jeune république parvient à imposer sa volonté à la puissante Grande-Bretagne.
Ces Treize colonies se sont formées peu à peu à partir du XVIIe siècle le long de l'Atlantique nord :
Colonie | Date de fondation |
Virginie | 1607 |
Massachusetts | 1620 |
New Hampshire | 1623 |
Maryland | 1632 |
Connecticut | 1635 |
Rhode Islande | 1636 |
Delaware | 1638 |
Caroline du nord | 1653 |
Caroline du sud | 1663 |
New Jersey | 1664 |
New York | 1664 |
Pennsylvanie (des Quakers) | 1682 |
Géorgie | 1732 |
Comptant en 1770 environ un million et demi d'habitants, elles ont bénéficié d'une croissance démographique importante liée à l'immigration, mais aussi à un taux de natalité très fort. La société coloniale d'Amérique est remarquable par sa diversité : à côté de la majorité britannique vivent des Allemands, des Suisses, des Hollandais, des Irlandais, des Écossais, des Scandinaves et des Français. Les pratiques religieuses varient tout autant : les élites sont de confessions protestantes mais de plusieurs courents, les juifs et les catholiques forment de puissantes minorités. Chaque colonie dispose d'un statut politique qui lui est propre avec trois cas de figure dominants : les colonies à chartes réglementées par des chartes octroyées par le souverain ; les fondations de colonies de propriétaires reposent sur l'initiative du Lord Proprietor ; et enfin, les colonies royales bénéficient d'une constitution rédigée par le pouvoir royal.
Résistance économique et politique, la révolution américaine se décline en trois phases entre 1763 et 1801. En effet, sans vouloir la faire commencer à proprement parler en 1763, il est indispensable, pour comprendre la révolution américaine de suivre, étape par étape, les conflits impériaux entre la métropole anglaise et ses colonies. Et ce depuis la Guerre de Sept Ans, première guerre coloniale contre la France qui bouleverse de 1756 à 1763 les données géographiques, politiques, économiques et humaines en Amérique du Nord. La première phase, le 1763 à 1774 est donc une révolte contre la politique de l'Empire par une série de conflits d'ordre économiques mais aussi théoriques avec la question fiscale, sujet de litige majeur entre une métropole ruinée par la Guerre de Sept Ans, et des colonies florissantes. Résistance plus que révolte, c'est dans la seconde étape de 1774 à 1787 que se décide le durcissement de l'affrontement : la guerre éclate en 1775, les colonies se déclarent indépendantes en 1776 et sont reconnues en 1783 à la suite de leurs succès militaires. L'adoption d'une constitution en 1787 marque le début de la troisième et dernière phase que certains ont appelée le « miracle de Philadelphie ». La période révolutionnaire se termine en 1801 lorsque Thomas Jefferson, troisième président des Etats-Unis déclare : « nous sommes tous fédéralistes, nous sommes tous républicains ». La révolution politique se termine ainsi par la mise en place d'un État-nation viable et fort, « empire de la liberté » promis à un avenir de grande puissance.
Dans ce nouveau rendez-vous nous traiterons dans un premier temps des origines de la révolte. Ensuite viendront les caractères de la révolte, et enfin l'élaboration de la constitution de 1787 et donc la naissance des États-Unis.
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Au cours du conflit impérial, les colons américains vont être gagnés par une sorte de révolution intime qui les amènent à rejeter leur patrie « naturelle » pour s'en inventer une nouvelle qui requière leur entière fidélité. Ces retournements affectifs suivent des réflexions théoriques chez les dirigeants des révoltes, « philosophes » de l'Amérique des Lumières. Trois concepts sont mis en questions dans ce moment pré-révolutionnaire : l'empire, la liberté et la nation. Les idées des tenants du parti tory (amis du roi, conservateurs, partisans d'un régime conservateur auxquels se rattacheront les colons « loyalistes ») s'opposent à celles des patriotes américains. C'est au nom de l'idéologie whig, qui soutient le principe de la liberté du commerce, que les dirigeants coloniaux vont s'opposer au retour des lois mercantilistes et à leur aggravation. L'affrontement prend la forme d'une incompatibilité entre deux conceptions de l'empire et la vision des colons pour une décentralisation et un relâchement du contrôle par la métropole. Une opposition donc entre un empire confédéral, une sorte de Commonwealth impérial d'un côté (littéralement « bien commun », traduction du latin res publica), et un empire centraliste de l'autre.
Du côté royal, les lois votées entre 1763 et 1774 sont en partie motivées par le besoin de renflouer le Trésor, mais pas seulement. On assiste à un durcissement du mercantilisme déjà notable depuis le milieu du XVIIe siècle où les anglais votent des lois protégeant leurs intérêts marchands et économiques au détriment des colonies (notamment les Actes de Navigations). Mais à partir de 1763, le système se grippe autour de trois points : la question fiscale, la question constitutionnelle, et la question territoriale. La crise commence donc en Angleterre au lendemain de la Guerre de Sept Ans. La dette publique passe en effet de 77 millions de livres en 1755 à 122 millions en 1763. Les colons doivent alors contribuer au redressement du trésor royal. Tout en resserrant le contrôle de la navigation et du commerce colonial, Westminster adopte de nouvelles lois fiscales. En 1764, le Sugar Act instaure une taxe à l'importation du sucre et des mélasses depuis les Antilles. En 1765, ce sont les timbres dans le Stamp Act et en 1767 le thé. Les protestations sont vivent, les américains faisant remarquer qu'ils sont anglais et qu'ils doivent en conséquent avoir le bénéfice de la Glorieuse révolution de 1689 : pas de représentation parlementaire des colonies, donc pas d'impôts. Dans une Angleterre où l'on compte environ 250 000 électeurs, une des thèses qui fait de plus en plus débat est de savoir si ces députés anglais sont aptes à représenter l'ensemble du peuple anglais et donc aussi les colonies. Face à ces protestations, Londres accouche d'une position intenable : la plupart de ces Actes fiscaux sont abrogés en 1770 (excepté le thé), mais en même temps, le Parlement réaffirme qu'il peut toujours légiférer pour les colonies américaines.
Le fossé s'élargit. Dès 1769, Londres se croit obligée d'envoyer des troupes de renforts en Amérique et en 1773, perdant toute prudence, le gouvernement britannique se lance dans une politique fiscale irraisonnée qui débouche sur la Boston Tea Party. Le thé devient très vite un sujet de discorde symbolique et c'est ainsi qu'est organisé un boycott du thé vendu par la Compagnie anglaise des Indes Orientales. Les dettes se cumulent et le gouvernement de Londres fait passer un nouveau Tea Act qui autorise la Compagnie à vendre son thé aux colonies sans payer de taxes ce qui contribue à la ruine de marchands indépendants. Le 16 décembre 1773 dans le port de Boston, des américains montent clandestinement sur des navires de la Compagnie et jettent par dessus bords les tonneaux de thé. La Boston Tea Party est l'un des évènements symboliques de la Révolution américaine annonçant la guerre d'indépendance.
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John Adams, l'un des plus célèbre dirigeant de la révolution américaine écrit en 1776 : «nous sommes au beau milieu de la Révolution la plus complète, la plus inattendue, et la plus remarquable de toutes les Révolutions qui se sont produites dans l'Histoire des Nations». La crise ouverte depuis la fameuse Boston Tea Party de 1773 se concrétise dans le Congrès de Philadelphie l'année suivante, premier Congrès Continental, acte éminemment illégal du point de vue de la métropole. Il créé une assemblée politique indépendante, dont le but est de coordonner l’action des colonies contre la métropole, et dès le mois de septembre, les Américains utilisent le mot « états » pour désigner les treize colonies d'Amérique. Le Congrès continental exige également la reconnaissance des libertés américaines : il met en place une Association continentale chargée d'organiser les comités de surveillance ainsi que le boycott des produits britanniques jusqu'à l'abrogation des Intolerable Acts. Le second congrès de Philadelphie le 4 juillet 1776 déclare l'indépendance américaine.
Acte de naissance des États-Unis, la Déclaration d'Indépendance est « présentée à la face du monde » le 4 juillet 1776. Le document est composé de trois parties qui suivent une logique précise : le préambule, la liste des nombreux griefs contre le roi, et la conclusion qui signe la naissance d'une nouvelle nation. Le préambule explique, en se fondant sur les droits naturels, les causes de la séparation nécessaire d'avec l'Angleterre et d'avec un gouvernement coupable d'avoir brisé le contrat social passé avec le peuple. En des termes volontairement universels, le texte explique que tout gouvernement a le devoir de protéger les droits fondamentaux dont l'homme bénéficie par nature. Par cette déclaration, les révolutionnaires américains se dotent d'une régime politique fondé sur le droit et le « consentement des gouvernés ». Tout en invitant à la fondation d'une république, qui serait l'opposé de l'arbitraire monarchique anglais, la Déclaration n'a pas de valeur juridique et ne se veut pas une constitution, élaborée quand à elle 1787. Elle ne fait qu'énoncer et démontrer des valeurs universelles et il s'agit de réaliser la forme républicaine de gouvernement la seule apte à préserver la liberté politique d'une dérive tyrannique de la monarchie. Avant de constituer une fédération, les États-Unis se composent de treize républiques distinctes, chacune dotée d'une constitution ayant pour seul ciment les articles de la Déclaration.
La guerre entre les colons qui viennent de faire sécession et la métropole, ouverte en 1775, se poursuit bien au-delà de la Déclaration d'Indépendance. Les français prennent le parti des insurgés en 1778 et envoient des troupes en Amériques l'année uivante. Des opérations sont lancées sur le sol américains et dans les mers jusqu'à la bataille de Yorktown en 1881 qui marque la rédition anglaise. Le traité de Paris de 1783 consacre finalement la reconnaissance de l'indépendance américaine. Passons sur les tiroirs militaires de ce conflits, ce qui nous intéresse ici sont surtout les idéologies politiques qui naissent à ce moment là. Notons tout de même que la guerre a été pour l'Angleterre une des plus couteuses de son histoire, et où l'adversaire français, vingt ans après la Guerre de Sept ans, montre qu'il est encore un adversaire redoutable. L'épisode se clôt dans la douleur et Londres perd de précieuses possessions outre-mer qui la pousserons à s'aventurer vers de nouvelles régions du globe, notamment la Chine, à la recherche de nouveaux débouchés commerciaux.
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En 1783, les États-Unis remportent une grande victoire : les grandes puissances reconnaissent l'indépendance de la République américaine. Une victoire difficilement acquise. La petite armée du général Washington a connu les pires difficultés : insuffisance des vivres, manque de vêtements, désertions, défaites. La France est venue à l'aide des colons car elle trouvait là l'occasion de prendre sa revanche sur la Grande-Bretagne et la victoire franco-américaine de Yorktown achève de convaincre les Anglais qu'il vaut mieux céder aux exigences de leurs anciennes colonies. La guerre a renforcé le sentiment national des américains et rapidement, des réformateurs vont proposer d'établir un gouvernement national, d'où leur nom de nationalistes ou fédéralistes. C'est ainsi que se tient de mai à septembre 1787 une convention à Philadelphie où les Pères fondateurs définissent leurs objectifs : « un gouvernement national doit être établi qui comprendra un législatif, un exécutif et un judiciaire suprême ». Les divergences sont importantes, et les séances parfois houleuses. Les modérés imposent leur point de vue : le gouvernement ne disposera pas de pouvoir illimités. Un système qui empêche les grands États de décider pour les plus petits, tout ce qui n'est pas précisément dévolu au gouvernement reste de la compétence des États. Dans chacun d'entre eux, la constitution est débattue et votée entre 1787 et 1789 où le premier président entre en fonction, Georges Washington en même temps que le premier Congrès fédéral. L'année suivante est votée une déclaration des droits qui satisfait tous ceux qui redoutent la tyrannie d'un gouvernement national.
(Organisation de l'État fédéral)
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La constitution est ratifiée le 15 décembre 1791, mais les débats se poursuivent au sujet du rôle de l'État fédéral : les fédéralistes se regroupent autour d'Alexander Hamilton et réclament un État central fort ; les « anti-fédéralistes » ou « républicains » réunissent les partisans de la décentralisation autour de Thomas Jefferson. La Révolution française accentue les différences entre les deux « partis » : alors que les fédéralistes rejetent la tournure radicale que prennent les événements en 1793, les Républicains s'enthousiasment pour l’égalité et la démocratie française. George Washington préfère ainsi rester neutre vis à vis de la France et de son ennemie la Grande-Bretagne qui demeure malgré tout le principal partenaire commercial des États-Unis. La période voit aussi l'affermissement des institutions américaines : dans un contexte d'endettement après la guerre est créée une banque des États-Unis en 1791. Des taxes sont également instituées sur l’alcool pour augmenter les revenus de l'État fédéral. La rupture avec la Grande-Bretagne a engendré une perte de débouchés pour les exportations américaines. L'économie de la jeune nation souffre alors d'un important déficit commercial et la production chute.
La Révolution et la guerre d'indépendance ont créé un nouvel État qui s'est doté d'institutions républicaines stables, fixées par la première constitution écrite de l'histoire. Elles ont posé les bases de la vie politique américaine avec la naissance du bipartisme, de la défense et de la vie économique. Plusieurs points ne sont malgré tout pas résolus à la fin du XVIIIe siècle : l'évolution des frontières, le sort des Amérindiens, la place de l'État fédéral, et le maintien de l'esclavage au sud vont peser sur le développement du pays au XIXe siècle. Du conflit contre la Grande-Bretagne est finalement née une nation unie par des idéaux communs (liberté, démocratie), une même langue, des symboles (bannière étoilée, devise) et des mythes (Pères fondateurs). Dans le domaine social enfin, la Révolution a permis de faire progresser les libertés individuelles (notamment religieuse) et l'égalité, même si celle-ci n'est pas achevée.
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