lundi 11 juin 2012

Prochain Rendez-Vous en 1584 pour la guerre de la Ligue

Les Guises, Huile sur bois, Blois, musée du château
De gauche à droite : Charles, duc de Mayenne ; Henri, duc de Guise ; et Louis, cardinal de Guise.
En 1585, les princes de la maison de Lorraine prennent la tête de la Ligue catholique qui refuse que l'héritier de la couronne soit un prince hérétique, Henri de Navarre.

samedi 4 février 2012

Rendez-vous en 1845

L'immigration irlandaise en Grande-Bretagne


    « Depuis la maladie des pommes de terre, l'Irlandais est dégagé de son amour pour le sol. Il a peur de ne pouvoir vivre dans son pays ; il songe à faire fortune et espère trouver le bonheur sur une autre terre »,
Jules de Lasteyrie, L'Irlande depuis la dernière famine, 1853.


    Nous allons dans ce nouveau Rendez-vous nous intéresser à l'immigration Irlandaise en Grande-Bretagne au court du XIXe siècle, et cela à travers divers documents, textes, cartes ou relevés démographiques qui nous permettrons d’appréhender le mieux possible ce complexe sujet d'étude.
    Si l'on peut dire que la Grande-Bretagne et l'Irlande faisaient au XIXe siècle parti d'une même unité politique, les historiens montrent pourtant que, hormis les importants échanges de toutes natures entre les deux îles, tout les sépare : structures économiques, classes sociales et rapports au politique, tendances religieuses, pratiques culturelles, etc. Alors que l'Angleterre est marquée par une révolution industrielle fulgurante qui lui assure le leadership européen, l'Irlande elle vit au même moment des tensions politiques qui attisent les revendications nationalistes dirigées contre le Royaume-Uni et les Anglais, qui ont progressivement conquis l’île du XIIe au XVIIIe siècle, et sont considérés comme des occupants. En 1848, une insurrection organisée par les indépendantistes du mouvement Jeune Irlande est ainsi sévèrement réprimée. Mais la Grande Famine qui va s’abattre sur l'île en 1845 brise tout élan révolutionnaire comme un responsable du mouvement nationaliste le dit très bien : « Une ration de farine jaune était toute l'ambition des gens, et quand ils étaient parvenus à se la procurer, ils ne se souciaient plus de rien ».
    Car plus que secouer les nationalistes, cette famine participe à l'immigration de masse que subit l'Irlande au XIXe siècle. Or les questions démographiques ont plus d'acuité en Irlande que partout ailleurs car elle est un cas bien singulier : c'est le seul pays du monde qui soit moins peuplé de nos jours qu'au milieu du XIXe siècle. Le maximum de population a dû être atteint en 1845 avec 8,5 millions d'habitants. La famine elle-même, puis la vague d'émigration qu'elle déclenche réduisent ensuite brutalement la population. Le minimum historique est ainsi atteint en 1926 avec un peu plus de 4 millions d'habitants, à peine la moitié de l'effectif de 1845. Persécution religieuse des autorités anglaises contre la population indigène restée en majorité fidèle au catholicisme, ostracisme politique, exploitation des paysans irlandais par les propriétaires absentéistes anglais et écossais, tout cela peut rendre compte de ce mouvement migratoire que vit l'Irlande, au moins autant que la misère, elle-même conséquence de la pauvreté naturelle de l'île et d'une structure foncière injuste. Et si les États-Unis sont de la Grande Famine aux années 1920 la destination préférée des migrants, les départs vers l'Angleterre ne sont pas en restent puisqu'elle est la terre d'accueil d'environ ¼ des migrants Irlandais.
    Notre analyse des mouvements migratoires Irlandais se fera particulièrement par la critique d'un extrait des Études sur l'Angleterre de Léon Faucher, publiées en 1845 et qu'il convient de présenter dès à présent. Né en 1803 à Limoges et mort en 1854, Faucher est un journaliste et économiste français, ministre de l'Intérieur et chef du gouvernement sous la IIe République. Il écrit dans divers journaux, notamment dans le Courrier français dont il devient le rédacteur en chef et est reçu à l’Académie des sciences morales et politiques. Il se rend en voyage en Angleterre en 1843 afin d'y étudier le système politique et social et publie ici ses recherches dans la Revue des deux mondes, une des plus anciennes publications périodiques en France fondée en 1829. Cet extrait nous propose un portrait « orienté », nous le verrons, de la vie des migrants irlandais à Manchester et évoque son passage de la misère et l'ivrognerie à l'alphabétisation. Par l'intermédiaire notamment des religieux, il semble que les ouvriers irlandais auraient commencé à s'émanciper, à se cultiver et à s'organiser. Voici donc cet extrait :


    « On distingue aisément, au milieu de ces multitudes, les ouvriers irlandais d'origine, qui sont au nombre de 35 000 à 40 000 à Manchester. Les Anglais vont par petits groupes ou s'isolent entre eux, à moins qu'ils n'aient à débattre un intérêt commun et du moment, tel qu'une augmentation des salaires ou une réduction dans les heures du travail. Les Irlandais sont perpétuellement à l'état d'agitation. Souvent ils s'assemblent par centaines au coin de la route d' Oldham et d'Ancoats-Street. Un d'entre eux lit à haute voix les nouvelles d'Irlande, les adresses d'O'Connell ou les circulaires de l'associa­tion ; puis le tout est commenté sans fin et à grand bruit dans les rangs pressés de cette foule. Ils sont si étroitement organisés, et, pour employer un terme militaire, ils serrent tellement leurs coudes, qu'en un clin d'ail, et au premier signal, mille à deux mille sont réunis sur un point donné.   
    Il y a quelques années, les ouvriers irlandais formaient la partie la plus abjecte de la population ; leurs demeures étaient les plus sales et les plus malsaines, et leurs enfants les plus négligés. C'était dans les caves habitées par les Irlandais que se distillaient en fraude des spiritueux grossiers. La misère, la fièvre, l'ivrognerie, la débauche et le vol y étaient en permanence. Là se retiraient de préférence les vagabonds et les malfaiteurs. Tous les jours, quelque rixe éclatait dans ces affreux quartiers, ou quelque crime les ensanglantait.
    Ces faits, dont on trouve la trace dans toutes les enquêtes parlementaires ou administratives publiées depuis douze ans, sont aujourd'hui notablement changés. Les prédications du père Mathieu, secondées par les efforts du clergé catholique, ont commencé à relever ces malheureux de leur dégradation. Ils s'enivrent moins, et par suite les rixes sont moins fréquentes. Le dimanche 22 juillet 1843, vingt mille d'entre eux avaient pris l'engagement de s'abstenir de liqueurs spiritueuses (taken the pledge); le lundi, la police ramassait moitié moins d'ivrognes et de délinquants. Les cabaretiers (publicans) jetaient les hauts cris. Tel palais du gin, qui avait coutume de réunir cinquante hommes à la fois, n'en comptait plus que quinze ou vingt. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est la surveillance exercée par le clergé sur l'éducation des enfants. Dans cette ville, où les enfants en bas âge, livrés à eux-mêmes, courent les rues pieds-nus et en haillons, pendant que leurs parents s'enivrent, et où la police en a recueilli jusqu'à cinq mille par an égarés sur la voie publique, les prêtres catholiques tiennent le soir les chapelles ouvertes, comme une espèce d'asile où les jeunes filles et les jeunes garçons passent le temps à chanter des cantiques et à écouter la parole de leur pasteur.
    J'ai vu le dimanche cinq à six mille de ces enfants défiler processionnellement sous la  bannière de saint Patrick, et la demi-propreté, la décence de cette foule enfantine, est le progrès le plus grand, ainsi que le pli inattendu, qu'il m'ait été donné de constater. Les écrivains anglais reconnaissent eux-mêmes, non sans étonnement, qu'il existe aujourd'hui parmi les Irlandais de Manchester un plus grand nombre d'ouvriers sachant lire et écrire, que dans la population d'origine saxonne'; les femmes irlandai­ses sont aussi beaucoup plus chastes et plus attachées à leurs devoirs domestiques. Il n'y a que l'aptitude mécanique qui manque à cette race : les ouvriers irlandais comptent parmi les moins habiles ; on les emploie principalement comme manœuvres ou hommes de peine, et c'est parmi eux que l'on prend les commissionnaires, les portefaix, ainsi que les porteurs d'eau. »


L. Faucher, Études sur l’Angleterre, Paris. 1856; t. 1, p. 266-268.

    Les autres documents seront pour l'essentiel issu d'un article de Busteed et Hodgson publié dans le Geographical Journal et qui nous proposera une série de documents, de cartes, de plans et de tableaux permettant de mieux cerner ce phénomène démographique dans toutes ses complexités. Et la question qui se posera sera finalement de voir quelle lecture Faucher va-t-il nous proposer de cette immigration irlandaise. Comment peut-on aussi exprimer ce que représentent réellement les Irlandais au yeux des anglais ? Et pour ce faire, nous verrons dans un premier temps la période des migrations en elle-même et celle des difficultés d'arrivée, moment « d'ivrognerie » décrit par Faucher ; et dans un second temps, la période cette fois d'acclimatation, d'intégration à la société industrielle, d'organisation des migrants irlandais. Et face à cela donc, la réaction des anglais. Une partie surtout plus critique notamment envers le texte, afin de montrer les objectifs de l'auteur et de comprendre pourquoi il a telle ou telle vision des migrants.    


Vagues migratoires et « sauvagerie »

. Une typologie des vagues migratoires :

     On peut lire dès la première ligne du texte « Les ouvriers irlandais d'origine, [...] sont au nombre de 35 000 à 40 000 à Manchester ». Comment peut-pont alors expliquer cette présence d'irlandais en Angleterre ?
  Depuis 1815, près d'un million d'Irlandais avaient déjà quitté l'île, essentiellement pour l'Amérique du Nord, plus accessible avec la baisse du prix de la traversée. Mais avec la Famine, l'immigration fait un bond : entre 1845 et 54, 2,3 millions d'Irlandais partent, le quart en Grande-Bretagne pour les plus pauvres qui ne peuvent payer le passage transatlantique, ou ceux qui espèrent trouver du travail dans un secteur particulier, ou encore qui pensent ne partir que temporairement. Pour la grande majorité, ces émigrants sont âgés de moins de 30 ans, la plupart viennent des campagnes et n'ont pas de qualification particulière : « les ouvriers irlandais comptent parmi les moins habiles ». Beaucoup d'ouvrier agricoles pour les hommes, domestiques pour les femmes. On peut donc distinguer plusieurs vagues migratoires.
     La première et sans doute la plus spectaculaire est l'immigration de famine. Désastre sans précédent qui frappe l'Irlande de l'automne 1845 à 1849, elle a des conséquences considérables pour l'île. La maladie de la pomme de terre, alimentation quasi exclusive des paysans depuis le XVIIIe siècle, et les épidémies qui l'accompagnent font périr environ 1,5 millions de personnes et provoquent une émigration de masse. Or l'Irlande est avant tout une société rurale dont le développement ne prend pas la forme d'une industrialisation : l'île reste donc en marge du Royaumes-Unis, et la Famine accentue encore l'animosité entre anglais et irlandais : même le ventre creux, les tenanciers irlandais étaient en effet obligés de vendre leur blé pour payer les fermages sous peine d'expulsion. Les anglais gagnent ainsi la réputation « d'Affameurs » et s'inquiètent plutôt du brusque afflux d'immigrants dans les villes de Grande-Bretagne. En effet, dans les années 1840, 274 000 Irlandais partent en Angleterre, 100 000 en Écosse. Ces régions sont choisies car la plupart des Irlandais préféraient se déplacer vers les régions urbaines et industrielle en expansion. Et je vous propose ici deux documents sur lesquels nous allons baser cette analyse :


Fig. 1. Irish-bor population in a) Great Britain (by registration counties)
and b) Lancashire and Cheshi re (by enumeration districts) in 1851



Ce sont ainsi les grandes régions industrielles qui concentrent la part la plus importante de population irlandaise comme le Lancashire avec 200 000 natifs irlandais en 1851 ou le Cheshire avec plus de 16% d'irlandais sur 25 000 habitants. Pourquoi ici ? Car ce sont les régions qui offre le plus d'emplois et de possibilité de réussite. Les Irlandais s'installent dans les grandes villes, au point que l'on parle pour Liverpool de « faubourg de Dublin » avec 22,3% d'irlandais d'origine (1ere du pays), ou encore à Glasgow avec 18,2% d'irlandais. Nous sommes donc ici à la fois devant une vague migratoire frumentaire, de famine, mais aussi industrielle.
     On peut également parler de deux autres types de vagues migratoires. C'est tout d'abord une immigration de type industriallo-familiale : les familles pauvres qui veulent partir ont eu beaucoup de mal à le faire si elles ne bénéficiaient d'aucune aide financière de proches en Grande-Bretagne. Les premiers migrants font donc venir à leur tour leur famille. Cela a entre autre pour conséquence le début d'une organisation entre irlandais d'origine. Et ce sont enfin les migrations saisonnières de paysans irlandais vers les régions agricoles d'Angleterre comme le nord des Middlands où l'on note bien ici entre 8 et 16% de population irlandaise.

. Misère et criminalité :

      « Les ouvriers irlandais formaient la partie la plus abjecte de la population » nous annonce Léon Foucher. Les anglais ne voient en effet dans les Irlandais que des bagarreurs irascibles et des buveurs invétérés. Et Faucher retranscrit bien cette opinion quand on relève le lexique très dégradant usité pour décrire les irlandais : « la misère, la fièvre, l'ivrognerie, la débauche et le vol ». L'auteur nous dépeint un portrait très noir de cette population qui concorde avec la vision que les anglais en ont. Car plus que l'ivrognerie, les irlandais sont accusé d'être à l'origine des crimes les plus odieux du royaumes : « tous les jours, quelques rixe éclatait dans ces affreux quartiers, ou quelque crime les ensanglantait ». L'impression que nous donne le texte est finalement l'idée selon laquelle les irlandais serait en dehors de la société, dans une sorte de caste interne où régnerait la misère et la débauche, comme en dehors de la civilisation. Et cela peut-être illustré par le tableau suivant qui nous présente le nombre d'Irlandais concernés par les crimes et violences commis sur des individus à Manchester en 1845-54.

 
Alors peuplée en 1851 de 329 000 habitants, dont 13% d'irlandais, la part de ces derniers dans les crimes, sans être majoritaire, reste notable. Prenons l'exemple le plus frappant, les troubles à l'ordre et à la paix publique : 590 irlandais arrêté sur un total de 1237. Mais quand on regarde par contre les chiffres des personnes arrêtés pour ivrognerie, c'est 1500 irlandais sur plus de 7200 arrestations, ce qui statistiquement parlant est peu. Il faut donc regarder se tableau d'un œil affûté. Si effectivement les irlandais vivent dans un contexte qui prête au développement de la « misère et de la débauche », l'auteur oublie donc de préciser que les anglais d'origine ne sont pas en reste.
     Alors justement, la question se pose de savoir quel est ce contexte de vie qui aurait comme conséquence cette misère. Car plus que l'ivrognerie et la criminalité, ce sont les conditions de vie de ces ouvriers qui participent de leur misère et de leur intégration dans « ces affreux quartiers ». En quelques décennies, la révolution industrielle a donné naissance à une nouvelle classe, les ouvriers de la mine et de l'usine où se regroupent les irlandais en grande majorité. Le factory system qui remplace le domestic system impose de nouvelles conditions de travail plus dures encore. Or, on emploi les irlandais « principalement comme manœuvres ou hommes de peine, et c'est parmi eux que l'on prend les commissionnaires, les portefaix, ainsi que les porteurs d'eaux », autrement dit, les irlandais sont employés pour les travaux les plus difficiles : Un manœuvre est en effet un ouvrier polyvalent et peu qualifié ; l'homme de peine est l'ouvrier agricole le plus bas de l'échelle, employé pour effectuer les travaux les plus pénible ; un commissionnaire est celui dont le métier est de faire les commissions d'autrui et, particulièrement, de porter les messages et les bagages ; et le portefaix est celui qui est chargé de débarquer les marchandises des bateaux. Mais le factory system a aussi pour caractéristique la concentration des ouvriers en un lieu unique, ce qui va bien sûr participer au développement des villes et quelque part aussi à l'intégration de ces irlandais ouvriers dans l'espace industriel anglais, mais aussi à leur encrage dans cette misère quotidienne : Faucher utilise ainsi le terme de « cave » pour désigner leur habitat.

. L'intégration dans l'espace :

    On peut lire dans l'extrait des Études sur l'Angleterre proposé ici « leurs demeurent étaient les plus sales et les plus malsaines ». Reflet des conditions du salaire et de l'emploi, les formes de l'habitat urbain ne pouvait qu'encourager le développement de l'immoralité dont se plaignent finalement les bourgeois de l'époque. Or, l'essor des villes est un fait marquant pour la période qui nous concerne : en 1851, les classes urbaines représentent 48% de la population du Royaume. Mais nous allons surtout ici nous intéresser au cas de Manchester grâce au texte et à deux plans de la ville, le premier qui nous présente l'ensemble de l'aire urbaine de Manchester, et le second, un exemple d'une nouvelle-ville quasi exclusivement irlandaise dans la banlieue. 

 
   Dans ses quartiers « se retiraient de préférence les vagabonds et les malfaiteurs ». Manchester est le prototype de la cité industrielle moderne. L'homme politique Disraeli dans Coningsby (1844) salue ainsi cette ville comme un exploit unique de développement, tout en relevant l'antagonisme fondamental entre « deux nations » dans sa population, les riches et les pauvres. Manchester est une capitale cotonnière, une métropole dont le rayonnement s'étend dans une aire urbaine peuplée de plus de 1,25 millions d'habitants au cours des années 1840. C'est là que l'industrie moderne est à son apogée, ce que l'on peut voir sur le premier plan notamment à travers toutes les gares de la ville (London Road Station, Victoria Station ou Liverpool Road Station) et qui traduisent bien le fulgurant développement industrielle. La ville centre passe ainsi de 75 000 habitants en 1801 à 329 000 en 1851. La ville se subdivise bien deux zones : d'abord un centre commercial et quartiers bourgeois qui sont entourés d'une ceinture ouvrière (extensions urbaines sur la cartes). Ces banlieues et villes nouvelles sont donc plus exclusivement ouvrière que Manchester même, sombres, enfumées, sales avec quelques 400 000 habitants qui s'y entassent.
     Et les Irlandais qui s'installent tendent à se réunir dans les mêmes quartiers qui deviennent parfois des quartiers irlandais comme ici le New Town au nord de Manchester. Et ces villes nouvelles sont surtout composées de cottages loués aux ouvriers, ensemble d’habitations très dense afin limiter l'investissement en terrain, et les maisons s'accolent les unes aux autres. La saleté, l'absence d'aération totale et les édifices très mal entretenus caractérisent ces « affreux quartiers » dont nous parle Foucher. Et l'économiste William Nassau de dire également que « les rues de ces banlieues sans pavées ont un tas de fumier ou une petite mare en leur milieu, les maisons sont adossées les unes aux autres sans aération ni drainage du sol et des familles entières en sont réduites à vivre dans le recoin d'une cave ou d'une mansarde ».
     Les différences culturelles, comme l’usage de la langue gaélique et surtout la religion catholique, empêchent l'assimilation des irlandais au sein de populations majoritairement anglophones et protestantes, tout autant donc que la misère et la criminalité, conséquence des conditions de vie très dures. Mais la deuxième génération va elle réussir à se hisser progressivement dans la société, parfois à des emplois mieux considérés, et de plus, tous les Irlandais gardent une identité forte et entretiennent le souvenir de l’Irlande, en soutenant notamment les mouvements nationalistes.

Une moment d'acclimatation à la société industrielle ?

. « Relever ces malheureux de leur dégradation » :

    Le second temps que nous présente Faucher est donc celui d'une certaine acclimatation des irlandais à la société, d'une sortie de leur misère : « ces faits, dont on trouve la trace dans toutes les enquêtes parlementaires ou administratives publiées depuis douze ans, sont aujourd'hui notablement changés ».
      « Ils s'enivrent moins, et par suite les rixes sont moins fréquentes ». Comment explique-t-il cela ? Par l'action des religieux : « les prédications du père Mathieu, secondé par les efforts du clergé catholiques, ont commencé à relever ces malheureux de leur dégradation ». L'irréligion et l'alcoolisme sont un trait caractéristique du monde ouvrier. En 1843, Lord Ashley estimait à 25 millions de livres les dépenses en alcool de la classe ouvrière. L'immoralité est souvent attribuée à la croissante irréligion : au milieu du siècle, 50% des citadins et des habitants des zones industrielles ne pratiquent plus. Un rapport de 1853 cite comme causes du comportement de la population ouvrière l'indifférence des pasteurs envers les maux de la société industrielle et le nombre insuffisant de temples et de prêtres dans les quartiers populaires. Une situation qui tend à se modifier, notamment ici parmi les irlandais, et grâce à l'action du Père Mathieu, issu d'une famille noble du Pays de Galles qui entre dans les ordres en 1814. Il obtient la confiance des protestants et surtout des membres de la Société des Amis, résolus à s'opposer aux progrès de plus en plus effrayant de l'ivrognerie dans toutes les classes de la société irlandaise. Il s'adressent au père Mathieu pour prendre la tête de la ligue moralisatrice et après l'Irlande, il passe en Amérique et en Angleterre pour poursuivre son œuvre et provoque nombre de conversions et de retour vers la religion. C'est ainsi que « vingt mille d'entre eux avaient pris l'engagement de s'abstenir de liqueurs spiritueuse » et que « le lundi, la police ramassait moitié moins d'ivrogne ».
     L'autre évolution que note Faucher est l'encadrement des enfants : « ce qu'il y a de plus remarquable, c'est la surveillance exercée par le clergé sur l'éducation des enfants ». La vie familiale est en effet souvent désagrégée par le travail de tous les membres d'une même famille et l'inaptitude des parents épuisés à éduquer leurs enfants et auxquels ils font parfois partager leurs « vices » comme l'alcool. Et Faucher de présenter cette situation où « les enfants en bas-âges sont livrés à eux mêmes » « pendants que leurs parents s'enivrent ». Et cet encadrement passe aussi par le fait que l'Église anglicane, jusque là considérée comme l'Église des riches qui prône la stabilité sociale et ne soutient pas ou peu les combats menés par le monde ouvrier pour son émancipation, va cherche à regagner du terrain dans la seconde moitié du siècle : elle créée de nouvelles paroisses, en particulier dans les villes industrielles, forme de nouveaux pasteurs et lance la construction de près de 3000 temples (exemple à Manchester de toute une série de nouvelles églises dans les banlieues comme Saint-Patrick ou Saint-Chad). L'encadrement est donc plus important, notamment pour les enfants qui « défilent sous la bannière de Saint Patrick » dans « la demi-propreté et la décence de cette foule enfantine ».
    On peut donc souligner les remarquables succès de ceux qui ont bien voulu aller au peuple et ne l'ont pas attendu simplement et passivement dans les églises. L'encadrement de l'éducation des enfants irlandais sort progressivement ce milieu de leur misère et participe de leur cultaration et de leur organisation.
 
. Parcours politique des ouvriers Irlandais :

    « Il existe aujourd'hui parmi les Irlandais de Manchester un plus grand nombre d'ouvriers sachant lire et écrire, que dans la population d'origine saxonne ». Sous l'effet conjugué des religieux et d'une certaine forme d'union des irlandais, il semble que ceux-ci se soit petit à petit acclimaté à la société, et aient commencé à se sortir de leur état de misère. Une petite minorité d’ouvriers irlandais réagit à sa condition par le crime et la violence, une forte majorité par l’abattement et la résignation. Une fraction plus ou moins nombreuse selon les circonstances recourt à l'action syndicale et à l'agitation politique. C'est ainsi que « les Irlandais sont perpétuellement à l'état d'agitation, souvent ils s'assemblent par centaine au coin de la route d'Oldham et d'Ancoats-Street ». 

Discours du Libérateur Daniel O'Connell
 
   Les irlandais à leur arrivée conservent en effet une forte identité et entretiennent le souvenir de leur pays natal. Cela en soutenant les mouvements nationalistes : « un d'entre eux lit à haute voix les nouvelles d'Irlande, les adresses d'O'Connell ou les circulaires de l'association ». Nous en avons parlé en introduction, l'Irlande est en effet secoué d'un mouvement nationaliste contre l'occupant anglais, un mouvement d'abord dirigé par O'Connell, homme politique irlandais qui obtient l'émancipation des catholiques d'Irlande, promoteur d'un nationalisme irlandais non-violent qui contribue à l'alignement des luttes politiques irlandaises et à mobiliser la communauté catholique en tant que force politique à part entière. Mais ceci ne l'empêche pas d'être condamné à trois mois de prison pour sédition. Ses partisans l'abandonnent en masse et la déception face à l'échec de la contestation contre l'Acte d'Union conduit certains d'entre eux à créer la Jeune Irlande qui choisit des moyens plus radicaux pour d'obtenir l'indépendance de l'Irlande, tout en partageant le conservatisme social d'O'Connell. L'association dont parle ensuite Faucher est peut-être celle fondée par l'irlandais John Doherty, l'Association Nationale pour la protection du travail en 1830, une des première tentative de créer un syndicat national en Grande-Bretagne à l'initiative donc d'un Irlandais. Faucher décrit les Irlandais comme étant « étroitement organisés » et qui participent donc de plus en plus aux mouvements syndicaux qui apparaissent au court du XIXe siècle en Angleterre.

. Dits et non-dits :

   Nous l'avons évoqué tout à l'heure, l'immigration irlandaise est particulièrement mal vue par les anglais. Entassés dans les quartiers sordides des ports et des centres industriels, ces arrivants prêts à travailler au plus bas prix renforcent en effet l'irlandophobie traditionnelle de nombre d'Anglais qui ne voient en eux que des briseurs de grèves et des bigots papistes. Pourtant, une partie de l'opinion publique anglaise s'en prend également aux landlords (propriétaires terriens) anglo-irlandais accusés d'être, par leur égoïsme passé, responsable de la misère des paysans irlandais et de leur arrivée massive en Grande-Bretagne. Et cette vision anglaise des migrants se retrouve d'ailleurs très largement retranscrite chez divers auteurs, anglais ou étrangers de passage, et dont Léon Faucher est un bon exemple.
    Les irlandais sont donc accusés d'abaisser les salaires. Ainsi, Marx dans Le Capital dit que « l’ouvrier anglais moyen hait l’ouvrier irlandais comme un concurrent qui abaisse son niveau de vie ». Engels également : « c'est contre un concurrent de ce genre que doit lutter le travailleur anglais, contre un concurrent qui se contente d'un salaire inférieur à celui de n'importe quel autre travailleur ». Mais quand on regarde les faits, les choses sont en fait bien plus plus compliquées que cela. La main-d'œuvre ouvrière en Grande-Bretagne est en effet caractérisée par une grande homogénéité principalement du à la la croissance massive de la population de 50% entre 1800 et 1850. Et l'immigration irlandaise en a aussi été un facteur notable. Si dans certains cas, les employeurs ont effectivement fait appellent à des irlandais pour briser les grèves, ils étaient surtout employés pour des travaux très pénibles et les moins rémunérées : construction des canaux et tunnels, des logements. Idée que l'on trouve bien chez Foucher : « on les emploie principalement comme manœuvre ou homme de peine... ». Ainsi, la main-d'œuvre irlandaise n'entre pas forcément en concurrence avec les travailleurs britanniques.
    L'idée ensuite selon laquelle Foucher présente les irlandais en dehors de la civilisation est aussi reprise chez d'autres auteurs comme Thomas Carlyle : « l'Irlandais, ignorant de toute civilisation, chasse l'indigène saxon, non pas par sa force, mais par le contraire, et il s'empare de sa place », ou Engels : « ces gens, qui ont grandi presque sans connaître les bienfaits de la civilisation, arrivent ainsi, apportant leurs mœurs brutales dans une classe de la population qui a, pour dire vrai, peu d'inclination pour la culture et la moralité ». Et si l'on reprend notre tableau de criminalité, les arrestations qui ne concernent pas les irlandais sont donc d'après quand même de leur fait. Les Irlandais corrompraient ainsi les autres ouvriers anglais. Faucher n'est donc pas le seul à nous proposer de très noir portrait des immigrants irlandais. Mais comment peut-on expliquer sa vision à lui. Car le but de quelqu'un comme Marx est de reprocher cette situation à la société capitaliste et d'opposer les travailleurs aux bourgeois, mais quand est-il pour lui ? Et bien on peut aussi trouver une explication dans ses idéaux politique mais qui se révèlent très différents : Faucher est effectivement un conservateurs catholiques, et, appelé au ministère de l'intérieur sous la IIe République, il réprime énergiquement le désordre. Il sera aussi censuré par l’Assemblée à la suite de la découverte d’une circulaire qu’il avait adressée aux préfets pour infléchir le résultat des futures élections. Et j'en donnerai une petite citation pour finir : « depuis quelques mois, et par suite du ralentissement des principales industries, des coalitions d'ouvriers et des grèves se produisent fréquemment ; comme de pareils incidents réagissent d'une manière fâcheuse sur les intérêts privés et sur la tranquillité publique, je crois nécessaire de vous rappeler les principes que l'administration doit prendre pour règle en pareille occurrence ». 

Conclusion :

     L'historien Pocock pose les bases dans un article publié en 1975 de ce qui devait être la « New British History ». Cet historien néo-zélandais s'est en effet détaché d'une vieille tradition historiographique qui voulait englober l'histoire des Écossais, des Gallois, des Irlandais et des Britanniques dans une même histoire de l'Angleterre. Pocock veut lui s’atteler à une histoire de ces quatre nations et de leurs interactions. Cette histoires des « îles britanniques » devient même celle des « îles britanniques et Irlandaises » avec Norman Davies au moment de la crise nord-irlandaise. Mais la question reste de savoir comment étudier le cas particulier des migrants irlandais du XIXe, de quel point de vu ? Comment faire pour en avoir une vision objective ? Car face à un mouvement massif, nous avons donc vu que les auteurs nous proposais une vision très noires des irlandais selon leurs idéaux politiques qui peuvent donc orienter leurs discours. Ainsi Faucher décrit deux phases : une de difficultés, et une de redressement progressive et de conclure sur le fait qu'il « n'y a que l'aptitude mécanique qui manque à cette race ». Il faut de plus noter que l'Irlande n'est pas la seule à connaître un mouvement de migrations, forcées ou assistées, expérience marquante voire traumatique pour l'ouvrier britannique d'un côté ou de l'autre de la Mer d'Irlande. Et nous terminerons par une citation de l'historien Elie Halévy qui conclu bien ce sujet  : « Je cherche à déchiffrer le plus indéchiffrable des peuples, le plus moral, le moins familiale, le plus mobile, le plus adapté, le plus franc et le plus hypocrite. Où est le principe ? ».

jeudi 12 janvier 2012

Rendez-vous en 1443

Le jeu du Papegault

    Nous partons aujourd'hui en 1443 à la rencontre d'une activité fort peu commune, celle du Papegault. Pourquoi 1443 alors que nous avons ici à faire face à un « sport » dont les origines remontent au XIIIe siècle ? Parce que c'est à cette date que le Papegault est autorisé et organisé de manière officielle dans la ville de Rennes. Légiféré par les ducs de Bretagne, nous allons en effet, après en avoir présenté les origines et les spécificités, donner un exemple de pratique de cette activité en Bretagne. Cela à travers un document d'archive particulièrement précieux et conservé actuellement aux Archives municipales de Rennes (www.archives.rennes.fr) : Rôle des arquebusiers de Rennes, 1532-1584.


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    Résumé en quelques mots, voilà comment l'on pourrait définir le Papegault : un jeu d'adresse destiné d'abord aux archers et aux arbalétriers, ensuite réservé aux arquebusiers. Il consistait à tirer sur un perroquet en bois placé en hauteur afin de le faire tomber. Le droit de pratique de cette activité était un privilège directement octroyé par le roi et son intérêt majeur était d’entraîner les hommes pour la guerre.
    Le Papegault apparaît après la fondation de tout une série de compagnies d'archers et d'arbalétriers au court des XI-XIIe siècles dans les « bonnes villes » du nord de la France. Compagnies qui vont connaître un grand essor lors des troubles de la guerre de Cent ans puisqu'il en va de la défense des villes. Le Papegault devient ainsi progressivement la première « société sportive ».
 
Le jeu du papegaut, enluminure du XVIe siècle.

     Le papegault est donc un « honnête » divertissement dont les origines se trouvent parmi les « milices bourgeoises » de protection des villes et des villages qui sont constituées afin de protéger les habitants des incursions de soldats ou de bandes armées. Des compagnies qui se composaient donc de l'élite de la bourgeoisie, la noblesse toutefois ne dédaignait pas de s'y faire incorporer. À la Renaissance, ces milices sont organisées en bataillons et en compagnies dirigés par des officiers. Ce sont elles qui vont organiser la pratique du papegault et le pouvoir royal va y trouver de nombreux tireurs bien entraînés pour ses armées et la défense du territoire.
   Ce jeu se pratiquait chaque année, généralement au moment du printemps et il portait souvent le nom de jeu du « tir à l'oiseau » ou du « tir du Roy ». La question se pose de savoir d'où provient le nom de papegault. Le mot papegault désigne en ancien français le perroquet, idéal pour constituer une cible grâce à ses couleurs vives. Dans l'activé ici décrite, on utilisait bien sûr un oiseau en bois ou en métal, fixé sur une lance arrimée par des haubans soit au sommet d’une tour, soit placé en haut d’un grand arbre. Le jeu consistait ensuite pour tous ceux qui y étaient autorisés, à tirer à l'arc ou à l'arbalète en direction de ce « perroquet ». Mais dès 1705, seuls les arquebusiers sont autorisés à la pratique de ce jeu.

Le jeu du papegault, gravure sur bois du XVIe siècle.

    L'ordre de tir était également établit par les compagnies d'archers et d'arbalétriers. En règne générale, c'est d'abord le Roy ou l'Empereur du précédent jeu (titre donné au vainqueur du tournoi), puis le capitaine de la ville, les officiers, les chevaliers par ordre d'ancienneté, et enfin les archers, arbalétriers et arquebusiers également par ordre d'ancienneté. Le vainqueur rempotait le droit de représenter la confrérie au cours de l'année suivante et de recevoir tous les honneurs. Il recevait aussi ce que l'on appelait le "joyau du Roy", timbale gravée à son nom. Il bénéficiait enfin de certaines exemptions en matière fiscale, notamment pour le vin : des ordonnances ducales rendues en 1407 et 1471 ainsi qu'une lettre patente de Charles IX en décembre 1473 relative aux droits du jeu de l’arquebuse et arbalète, avaient en effet accordé à celui qui abattrait le papegault l’affranchissement des tailles, aides, dons, et emprunts. Privilèges qui ont parfois conduis à des procès : les fermiers des aides (impositions indirectes portant principalement sur les boissons) n’entendaient effectivement pas souffrir d'un tel manque à gagner.
 

Retour du vainqueur du jeu de papegaut, d'après une gravure de Mariette, XVIIIe siècle.

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     Dès le XVe siècle, on trouve le papegault en usage dans la plupart des provinces de France : Auvergne, Bresse, Dauphiné, Picardie, Lorraine, Lyonnaise, Gascogne, Franche-Comté, Normandie, Provence, Savoie, Anjou et Bretagne. Ainsi à Angers, les jeux de l’arc, de l’arbalète et de l’arquebuse sont déjà pratiqués en 1423, lorsque la duchesse d’Anjou Yolande d’Aragon donne aux joueurs une maison et un jardin situés au bas de la place des Halles. Confirmation faite par le roi le 12 décembre 1445 de ce don fait aux « arbalestriers et frères de la confrairie du jeu de l’arbalestre de la ville d’Angers d’une maison et jardin pour leur servir d’arsenal à mettre leurs armes et en outre de la somme de 10 sols par semaine à prendre sur le produit de la cloison ».

Pour la Bretagne, Nantes obtient un jeu du papegault en 1407 et il est, nous l'avons dis plus haut, formalisé à Rennes en 1443, même s'il semble attester depuis le XIVe siècle. On sait ainsi que Du Guesclin avait remporté dans sa jeunesse le prix du papegault à Rennes au champ Jacquet. Pour illustrer cela, nous proposons ici une double page issu d'un vieux manuscrit conservé aux Archives municipales de Rennes et qui présente cette pratique et surtout les personnes autorisées dans la ville entre 1532 et 1584 :


 
    Pour la première page, il s'agit vraisemblablement de la Tour du Chêne à Rennes (encore visible rue Nantaise), où se tirait le papegaut de 1460 à 1680. La seconde page quand à elle nous présente Josselin Chapellier et Andre Boullay comme étant les premiers prévôts de la confréries des arquebusiers en 1532 autorisés à la pratique du papegault. S'en suit la liste des prévôts qui prennent leur suite. Voici une transcription intégrale du passage :

Rolle des
nons e surnons des Harquebusiers
de Rennes commance par
deffuncts Josselin Chappelier
et Andre Boullay Premiers
Prevosts de la fraerie des dicts
Harquebusiers au moys de
May lan mil cens &
trante deux

Ausquels est permys Jouer et
tirer de l'arquebuse a lenseigne du
Papegault Et aultres joyaux
Loyaux d'arquebuse faict reference
Sur aultre rolle yceluy reforme par
Jan Deservaude Escuyer sieur de
la villorce et Me Jan Jamon
Lors Provosts en lan mil cinq cens
Soixante Quinze et le presant
Reforme par Me Pierre odion Sr
de tatelin et Me Jacques Mellin
Provost en lan presant mil
Cinq cents quatre vingts
quatre

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     Exercice populaire, la fête du tir du papegault qui a lieu une fois l’an, vers le mois de mai, est précédée par des entraînements qui avaient lieu presque toute l'année, ordinairement le premier dimanche de chaque mois. Le costume des participant varié selon les époques. Ainsi en 1668, il consiste en un haut-de-chausse large et plissé avec des boucles retombant de la ceinture de buffle, une petite veste ou justaucorps à manches courtes, des chemises dont les manches elles se resserrant sur les bras, et un chapeau de forme ronde à bords plats. En 1728, les officiers sont habillés de draps écarlates bordé d'un galon d'or, de même pour les brigadiers mais avec un galon d'or sur la manche et la poche. Les chevaliers ont eux un habit simple, un chapeau bordé d'un galon et avec une cocarde blanche. Mais dès le milieu du XVIIe siècle, la plupart des privilèges des compagnies leurs sont relevés.
     Rapidement déjà, la participation au papegault est réglemente.Outre le fait qu'il s'agisse essentiellement de bourgeois urbains, parfois de nobles, d'autres restrictions apparaissent. En Bretagne ainsi, en 1544, où une ordonnance ducale interdit aux prêtres la faculté de s'enrôler parmi les chevaliers du papegault. Autre exemple à Nantes, des privilèges postérieurs à la compagnie de Nantes disait qu'il n'y avait que les gouverneurs, présidents et seigneurs de la cour pourraient tirer le perroquet. A Angers et à l’issue de multiples procédures engagées dans les années 1620 et 1630, la Cour des aides a obtenue la réduction du nombre des bénéficiaires. Par arrêt du 1er janvier 1636, les trois compagnies d’archers, d’arbalétriers et d’arquebusiers ont ainsi été réduites à une seule. Elles ne peuvent plus alors nommer qu’un seul roi par an, à qui il est également interdit de céder son privilège à quiconque. Certains le revendaient en effet à un tiers pour des sommes importantes, 180 livres en 1630.
      Mais alors que les mentions concernant le papegault sont nombreuses dans les registres de délibérations municipales du royaume dans la première moitié du XVIIe siècle, les sources deviennent muettes à son sujet par la suite. Après les troubles de la Fronde, la paix revenue et la police bien assurée, le besoin d’une compagnie de tireurs se fait effectivement moins sentir. Le jeu attire moins, du fait de la restriction des privilèges. Le jeu du papegault disparaît ainsi progressivement au cours du XVIIIe siècle. Pour quelles raisons ? Nous l'avons dis, c'est la fin des troubles entre seigneurs, des razzias de bandes armées, mais aussi la constitutions de compagnies de maréchaussée, les gendarmes.

mardi 22 novembre 2011

Rendez-vous en 1347


Les bourgeois de Calais



Retranscription d'un extrait des Vrayes Chroniques de Jean Le Bel :

« Roy veez (voyez) cy nous VI qui avons esté de l'ancienne bourgoisye de Calais et grands marchans nous vous apportons les clefs de la ville et chastel (château) de Calais et les vous rendons a vostre plaisir. Si nous sommes mis en tel point que vous veez a vostre pure volonté pour le remanant (le restant) du peuple sauver qui a souffert mainte paine si weilliez de nous avoir pitié et mercy par vostre tres haulte noblesse ». Certes il n'eut adoncques (donc) en la place seigneur ne (ni) chevalier qui ni plourast (pleura) de pitié ne qui poeut (pu) plourer de pitié. Et le roy avoit adoncques le cuer (cœur) si dur de couroux (colère) qu'il ne poeut a grand piece respondre, puis commanda que on leur copast (coupa) les testes tantost (tout de suite). Tous les seigneurs et chevaliers luy prierent tout en plourant tant que ilz poeurent (purent) que il eut pitié d'eulx, mais il ny voult entendre. Adoncque parla le gentil chevalier messire Watiger de Manny et dit : « Ha gentil sire weilliez refrener vostre courage (colère) vous avez la renommet et fame (réputation) de toute gentillesse. Ne weilliez par faire chose par quoy on puist parler sur vous en nulle villanie. Se vous n'en avez pitié toutes gens diront que vous avez le cuer plain de toute cruaulté que de faire morir ces bons bourgoys que de leur propre volonté se sont venus rendre à vous pour sauver le remanant du peuple ». A ce point, se grignya (renfrogna) le roy et dit : « messires Watier souffrez vous il n'en sera aultrement, face on venir le bourreau. Ceulx de Calais ont fait morir tout de mes hommes qu'il fault aussy ceulx cy morir ». « Ha gentil sire depuis que j'ay passé la mer en grand peril ainsy que vous savez je ne vous ay rens (rien) demandé. Si vous priye et requiere a jointes mains que pour l'amour du filz de nostre dame vous weilliez epargner la vie de cy VI hommes ».

    C'est à travers cette retranscription d'un extrait des chroniques de Jean le Bel que nous allons construire notre nouveau rendez-vous consacré à l'épisode des Bourgeois de Calais. Un événement qui n'est en fait rien d'autre qu'un mythe historique pour lequel nous allons montrer sa naissance, ses causes et ses conséquence en nous aidant des sources de Jean le Bel, mais aussi de Jean Froissart. Il convient néanmoins de replacer avant tout l'événement dans son contexte. 
 
     En pleine Guerre de Cent Ans (1337-1453), le roi d'Angleterre Édouard III débarque le 12 juillet 1346 à Saint-Vaast-la-Hougue dans le Cotentin, ce à la tête de quelques milliers d'hommes et de chevaux. Dans une vaste chevauchée à travers le Nord-Ouest du royaume de France, il ne rencontre guère de résistance, pillant à sa guise les villes comme Caen. Le roi de France, Philippe VI finit, après un temps d'hésitation et de peur, par réagir et convoque les nobles du royaume. Rapidement, Édouard doit se replier vers le nord et rejoindre sa flotte stationnée en Flandres. Le lundi 4 septembre 1346, il arrive devant les murs de Calais. Le siège va durer près de onze mois. Selon Jean le Bel dans ses Chroniques, Édouard a engagé son honneur en prêtant serment de ne quitter le siège que lorsqu'il se sera emparé de la ville. De plus, l'importance donnée à la prise de Calais a des raisons objectives évidentes. Calais, située en face des côtes anglaises, est un éventuel point d'appui idéal pour intervenir dans le nord du royaume de France. De plus, la ville est à proximité de la Flandre alliée des anglais. Pour tenir le siège Édouard fait construire une véritable ville devant Calais, Villeneuve-la-Hardie d'où il dirige les opérations. De plus, la prise de Calais va au-delà des strictes considérations stratégiques : en temps que roi de France (titre porté par les roi d'Angleterre depuis la bataille d'Azincourt en 1415), la résistance obstinée des Calaisiens est un grave défi à son honneur. 

Bataille de Crécy

Philippe VI

Édouard III devant Calais


    Calais en 1346 est une bourgade de taille moyenne de quelques milliers d'habitant. Elle s'est développée grâce à son port au trafic important et varié (vin, laine, pêche), et les profits engendrés ont participé à la constitution d'un petit groupe de puissantes familles de notables urbains. Politiquement, la ville est rattachée depuis 1265 au comté d'Artois et le comte y est représenté par un bailli siégeant au château comtale au nord-ouest de la ville. Le bailli veille à la défense de la ville et assure la levée des revenus du comte. La ville ne possède pas d'évêque et dépend de celui de Thérouanne. Le pouvoir est donc partagé entre les officiers comtaux, au premier rang desquels le bailli, et les échevins représentants les grandes familles bourgeoises. La situation change néanmoins au XIIIe siècle avec l'instauration d'un état de conflit entre les rois d'Angleterre et de France. La guerre, peu favorable au commerce, entraîne une reconversion des activité Calaisiennes vers la piraterie, et les frictions entre marins anglais et Calaisiens n'ont de cesse de progresser au court du XIVe siècle, autre explication de la détermination d’Édouard VI à prendre la ville. Calais devient une place importante pour le roi de France. Port militaire, la ville est particulièrement bien défendue, protégée par sa situation naturelle, ses murailles et son château comtal. 

 Le siège de Calais (1346-47)


     Sans entrer dans les détails des onze mois de siège, il est important de signifier deux événements majeurs du siège qui ne sont pas sans rapports avec notre sujet. Le premier concerne l'expulsion hors de la ville de tous ceux qui ne sont pas nécessaire à sa défense, et ce lorsque l'on comprend que le but d’Édouard est d'affamer la ville. On expulse donc toutes les bouches inutiles. Le second événement nous est transmit par le chroniqueur anglais Robert de Avesbury : les habitants de la villes auraient voulus, avant la chute de la ville, transmettre au roi de France un ultime appel au secours. Deux bateaux tentent ainsi en vain de quitter la ville avec à leur bord la lettre qui expose la situation désespérée de la ville et de ses habitants qui n'ont plus rien à manger : « car sachez qu'il n'y a plus rien qui n'ait été mangé, et les chiens et les chats et les chevaux, si bien que nous ne pouvons plus trouver de quoi vivre dans la ville si nous ne mangeons la chair des gens (…) si avons pris accord entre nous que, si nous n'avons pas rapidement de secours, nous sortirons de la ville pour combattre, pour vivre ou pour mourir » (E. MAUNDE THOMPSON, Adae murimuth continuatio chronicarum. Robertus de Avesbury de gestis mirabilibus regis Edwardi Tertii, Londres, 1889, p.386). Mais reste à savoir si ce document est authentique ou s'il n'est pas une invention de la « propagande » anglaise.
     C'est à la fin du mois de juillet que se termine le siège de la ville et que se déroule le fameux épisode des bourgeois de Calais. Philippe VI agit enfin et monte avec ses trouve sur Calais. Une trêve afin d'engager des négociations est un échec et la proposition du roi de France d'un combat singulier avec Édouard III ne donne rien. Le 2 août 1347, Philippe se retire et les assiégé comprennent alors qu'il leur faut capituler. C'est le 4 août que va naître ce mythe historique né du traumatisme du siège et de l'humiliante reddition. Les sièges de villes sont en effets des événements propices à la formation d'une mémoire imaginaire. Mais la création de ce mythe précis n'est pas, nous le verrons plus loin, le fruit du hasard et n'est pas sans valeurs idéologiques.
    Jean de Vienne, capitaine de la ville et pressé par la population assiégée, demande à parlementer avec le roi anglais sur la reddition de Calais à condition d’épargner la population et la garnison. Pour cela, Édouard III exige que six des bourgeois de la ville viennent en chemise, pieds nus et la corde au cou, se mettre à sa disposition.

Manuscrit des chroniques anglaises dites le Brut, XVe siècle, les bourgeois de Calais devant Édouard III 

     Ces six bourgeois sont : Eustache de SAint-Pierre, Jean d’Aire, Pierre de Wissant, son frère Jacques, Jean de Fiennes et Andrieu d’Andres. À leur arrivée auprès d’Édouard III, Jean le Bel nous rapporte leurs paroles : « Roy veez cy nous VI qui avons esté de l'ancienne bourgoisye de Calais et grands marchans nous vous apportons les clefs de la ville et chastel de Calais et les vous rendons a vostre plaisir. Si nous sommes mis en tel point que vous veez a vostre pure volonté pour le remanant du peuple sauver qui a souffert mainte paine si weilliez de nous avoir pitié et mercy par vostre tres haulte noblesse ». Ils se mettent au service du roi en échange de la vie de la population restant à Calais. Mais Édouard est glorieux de sa victoire et ayant « le cuer si dur de couroux (...) commanda que on leur copast les testes tantost ». Malgré l'intervention de ses nobles, le roi veut se venger des pertes que ses troupes ont subis : « ceulx de Calais ont fait morir tout de mes hommes qu'il fault aussy ceulx cy morir ». C'est finalement l'intervention de sa femme Philippa de Hainaut qui sauve les bourgeois.

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     A présent, et après avoir étudier le fait en lui même, nous allons nous intéresser plus précisément aux deux sources historiques qui servent d'appuis pour traiter le sujet des Bourgeois de Calais. Ce qui nous mènera à expliquer en quoi cet événement est un mythe historique, comment s'est-il construit et pourquoi.
     La première version du mythe des Bourgeois de Calais est donc celle du chanoine de Liège Jean le Bel, qui n'est autre que la source de Froissart pour le premier livre de ses Chroniques. Froissart reprend l'œuvre dont il veut être le continuateur à tel point qu'il en a rendu le report au texte de Jean le Bel inutile. Le récit fondateur sur lequel s'appuient les auteurs est d'ailleurs bien celui de Froissart. Un seul manuscrit de la chronique de le Bel a été conservée, datant du XVe siècle. Né aux alentours de 1290 à Liège au sein d'une puissante famille du patriciat urbain, Jean est destiné à l'Église et dès 1312, il devient chanoine à la cathédrale Saint-Lambert et prévôt à Saint-Jean-Baptiste. Il s'illustre également à travers la littérature, comme auteur de chansons qui n'ont pas été conservés, et surtout comme historien dans ses Vrayes chroniques. Depuis le XIIIe siècle s'est instaurée une nouvelle tradition chez les chroniqueurs, celle d'écrire en prose, en langue vulgaire, et ce à l'intention d'un public de laïcs. Ils racontaient tous les grands événements sensationnels susceptibles de passionner leurs lecteurs. Leur rôle étaient de divertir et de garder la mémoire pour les contemporains et leurs successeurs. Mais le travail de sélection des épisodes était influencé par le premier lecteur a qui l'œuvre était destinée. Jean le Bel fait partie de ces chroniqueurs et son « patron » n'est autre que le fils cadet du comte de Soissons, Jean qui a longtemps été fidèle au roi Édouard III avant de se retourner contre lui. Jean le Bel devait ainsi « faire et ecrire la pure vérité de tout le fait entièrement, sans porter faveur à nulle parties, mais procédant en ce loyalement et véritablement, sans faire blâme ni honneur à ceux qui ne l'ont mie deservit ». Lorsque le travail est terminé, Jean le Bel doit également le présenter à son commendataire afin qu'il vérifie l'exactitude des faits rapportés. Jean le Bel rapporte alors qu'il a effectué ce travail dans le but de rendre justice aux chevaliers et écuyers et à leurs hauts faits, afin de lutter contre les mensonges diffusé par un « grand livre rimé ». Il faut enfin noter pour la suite que le Bel rédige l'histoire des bourgeois de Calais quelques dix ans après les faits, en 1358, dans un contexte de lutte opposant à Paris le Dauphin, futur Charles V, et le chef d'un parti des villes, Étienne Marcel.

 Jean-Simon Berthélemy, L'Action courageuse d'Eustache de Saint-Pierre au siège de Calais, 1779 (Laon, musée des Beaux-Arts)

    Né dans les années 1330 à Valenciennes, Froissart devient clerc et mène une carrière d'écrivain professionnel attaché aux mécènes auxquels il offre ses œuvres. L'intérêt de Froissart pour les Bourgeois de Calais n'a pas été immédiat. Il s'est d'abord contenté de résumer fidèlement en quelques lignes le texte de Jean le Bel. C'est dans les versions ultérieure de ses chroniques qu'il retravaille ce passage en reprenant telle quelle la trame établie par le Bel. Il y ajoute néanmoins une dimension littéraire et des précisions historiques factuelles qui témoignent de son travail d'historien comme la rectification du nom du capitaine de Calais : de Louis de Vienne chez le Bel à Jean de Vienne chez Froissart.
     Jean le Bel et Froissart ne sont pourtant pas les seuls à avoir raconté la capitulation de Calais, même si aucun de ces textes n'a atteint la célébrité, mais qui sont intéressant pour leurs divergences apparentes malgré un même cadre de représentation et de fabrication d'un événement historique. Leurs similitudes viennent d'ailleurs du fait qu'elles aient été élaborées « non à partir d'informations venant de témoins direct de l'événement, mais sur la base de « journaux » rédigés immédiatement après l'événement, destinés à une large diffusion des informations orientés qui peuvent aller jusqu'à la propagande pure et simple » (J-M Moeglin, Les bourgeois de Calais, essai sur un mythe historique).
     Mais alors, en quoi peut-on dire que cet épisode qui clos le siège de Calais est une invention ? D'abord parce que l'on fait face ici à une glorification de l'héroïsme bourgeois qui s'inscrit dans un contexte bien précis. Nous l'avons dis plus haut, les années de rédaction de l'événement par Jean le Bel (1358) sont celles d'une grande tension entre les différents ordres de la société. Les non-nobles accusent ceux-ci d'être responsable de la défaite et de la capture du roi à Poitiers, et Étienne Marcel, représentant des « bourgeois de Paris » et prévôt des marchands de Paris tente de sauver la ville et le royaume. Face à la tyrannie d'un « parti royal », il invoque l'idéal de liberté. L'affaire se termine mal pour lui, considéré comme un traître. Un lourd soupçon de trahison mutuelle et une hostilité latente s'est ainsi installée entre nobles et bourgeois. On a ici un modèle du « bon bourgeois » très orienté qui s'impose : et cette invention historique met en scène les plus riches bourgeois de la ville prêts à se sacrifier et à mourir pour leurs concitoyens. S'y oppose la figure honnie du bourgeois rebelle qui s'entête dans la contestation. Les six bourgeois de Calais sont donc « les représentants d'un nouvel héroïsme bourgeois, mais d'un héroïsme destiné à des bourgeois qui connaissent et ne contestent pas les obligations de leur condition ». mais un héroïsme bourgeois qui dévoile une volonté de mourir pour la charité, pour sauver les habitants de la ville, et non de mourir pour la patrie puisque la cité fait reddition devant l'ennemi du royaume. 

Ary Scheffer, Le Dévouement patriotique des six bourgeois de Calais, 1819 (Château de Versailles)
 
     Jean le Bel et Froissart ont donc volontairement « détourné » dans un sens héroïque le récit de la capitulation de Calais. Mais comment cela a-t-il pu fonctionner ? Qu'est-ce qui a favoriser l'essor et l'acceptation de ce mythe ? Les sièges des villes sont des événements propices au développement d'un mythe, nous l'avons dis. Il est facile pour les descendants de la populations qui a résisté à voir dans leur résistance un moment privilégié au cour duquel l'unité de la communauté s'est créée. La construction du mythe a été, et nous terminerons là-dessus, favorisée par les ambiguïtés des deux récits fondateurs. Les lecteurs y ont effectivement trouvés ce que Jean-Pierre Albert a appelé le « scénario standard » de l'émergence d'un héros. D'abord la situation initiale de menace de la ville par Édouard III, et ensuite l'entrée en scène d'un héros qui offre sa vie pour sauver la communauté. 


Le monument des bourgeois de Calais, Auguste Rodin, 1895

Bibliographie :

MOEGLIN J-M, Les bourgeois de Calais, Essai sur un mythe historique, Albin Michel, Paris, 2002, 462p.
BOVE B. Le temps de la guerre de Cent Ans, collection Histoire de France, dir. CORNETTE J., Belin, Paris, 2009, 663p.

Sources :

FROISSART J., La guerre de Cent Ans, Union générale d’Édition, Paris, 1964, 307p.
FROISSART J., Les Brougeois de Calais, Chroniques Tome II (1342-1356), Paleo – source de l'Histoire de France, Paris, 2003, 313p.